L’Afrique représente plus de 17% de la population mondiale non bancarisée. Le système bancaire, difficilement accessible pour toutes les couches sociales, complexe et coûteux, est une des raisons pour lesquelles, beaucoup restent en marge des systèmes financiers. Il faudrait donc une simplification et une réduction des coûts de transactions, pour espérer que plus d’africains se familiarisent avec le système bancaire commercial. Parallèlement, le continent africain fait face à l’instabilité financière et à des récessions économiques multiples. Au cœur de ces problèmes, on retrouve un système bancaire plutôt inefficace. Ce qui semble être un défi de taille et une énigme difficile à résoudre. Mais plus pour longtemps, à en croire l’optimisme qu’affichent certains experts. Pour ces derniers, une des solutions les plus efficaces aux difficultés de l’Afrique, serait l’adoption des crypto-monnaies à l’échelle du continent. L’intérêt pour cette forme de monnaie virtuelle est de plus en plus croissante. La crypto-monnaie semble être une solution tout-en-un pour régler les problèmes financiers et économiques de l’Afrique. De nombreuses entreprises africaines ont d’ailleurs déjà adopté la technologie de la crypto-monnaie dans leurs nombreuses transactions. C’est le cas par exemple de Bankymoon, Buy Coins ou SunExchangeLa cryptomonnaie, elle change quoi concrètement pour l’Afrique ? Qu’est ce que le continent devrait attendre de cette innovation qui se veut révolutionnaire ? Réponses dans les lignes à suivre. 

Petit rappel de ce qu’est une cryptomonnaie

Encore appelé crypto actif, ou crypto devise, la crypto monnaie est une monnaie numérique qui est émise de pair à pair et qui peut être utilisée grâce à un réseau informatique décentralisé. En matière de cryptomonnaie, les fichiers sont créés en faisant recours à la cryptographie. Cette dernière désigne une science visant à crypter des informations pour en assurer la confidentialité entre l’émetteur et le destinataire. 

Cryptomonnaie en Afrique
Cryptomonnaie en Afrique

Aussi, la crypto-monnaie est émise sur la base d’un contrôle décentralisé, ce qui veut dire qu’elle ne peut pas être contrôlée par une seule personne ou par un seul organisme gouvernemental. Il ne s’agit pas non plus d’une technologie monétaire qui est limitée géographiquement. Elle peut être utilisée partout et est accessible à tous étant donné qu’elle est basée sur internet. 

Pour faire plus simple, la crypto monnaie est une monnaie numérique ou virtuelle. On ne peut ni la voir, ni la toucher ni la sentir. Son émission nécessite le recours à la cryptographie qui permet de crypter et cacher les codes afin de protéger l’argent. Dans le lot des monnaies virtuelles les plus connues, on retrouve le Bitcoin, l’Ethereum, le Litcoin ou encore le XRP. Le Bitcoin reste toutefois la plus populaire à l’échelle mondiale et surtout en Afrique. A l’heure actuelle, ces crypto-monnaies peuvent être utilisées pour acheter des biens et/ou services. On peut également les échanger avec d’autres devises physiques comme l’euro, le dollar, etc. 

La cryptomonnaie : quels enjeux pour l’Afrique ?

Il faut savoir qu’en matière de cryptomonnaie, la cible des gros investissements, c’est désormais l’Afrique. En effet, de nouveaux entrants sur le marché considèrent le continent africain comme un nouvel eldorado en matière de monnaie virtuelle. C’est le cas par exemple de Facebook avec sa monnaie virtuelle privée Libra qui a pour cible prioritaire l’Afrique. De même, Blockstream cherche à développer les opportunités d’un asset mobile banking en Afrique. Plusieurs raisons justifient ce nouveau regard vers l’Afrique. 

Cryptomonnaie en Afrique
Cryptomonnaie en Afrique

Même si plus de la moitié de la population africaine ne dispose pas de compte bancaire, près de 5 milliards de personnes sur le continent utilisent un téléphone mobile dont en grande majorité un smartphone. Or, pour accéder aux services qui sont représentés par les crypto-monnaies, il faut simplement disposer d’un téléphone mobile. 

De plus, le fait qu’une grande partie de la population africaine n’ait pas accès au système bancaire, constitue un bon prétexte pour les convertir aux crypto monnaies, en leur présentant ce système comme plus accessible, plus inclusif et plus économique pour leur portefeuille. Considérant ces arguments, il y a donc un grand marché à saisir en Afrique, tant pour les investisseurs étrangers que pour les entrepreneurs locaux. 

En quoi la crypto-monnaie pourrait constituer une opportunité pour les Etats africains ?

En se basant sur les avantages de la cryptomonnaie, les experts estiment que l’introduction de cette monnaie virtuelle peut être une bonne affaire pour l’économie des états africains et ce sur plusieurs plans. 

  • La crypto-monnaie pour minimiser les risques d’inflation en Afrique

A l’heure actuelle, dans de nombreux pays d’Afrique , les populations doivent faire face à l’inflation et à la cherté de la vie. Les crypto-monnaies n’étant pas produites de la même manière que les monnaies fiduciaires traditionnelles, elles pourraient permettre de résoudre les soucis d’activation facile et excessive de la planche à billets qui provoquent l’inflation dans de nombreux pays africains. 

En effet, la crypto-monnaie est indépendante du système monétaire traditionnel. C’est pour cette raison que les investisseurs la considèrent comme une valeur refuge au même titre que l’or. C’est aussi pour cela qu’on parle d’or numérique pour désigner le bitcoin. Tout comme l’or, le bitcoin par exemple est une monnaie virtuelle qui est disponible en quantité limitée. La quantité maximale de bitcoins qui peut être minée est de 21 millions. Ce plafond étant immuable, quoi qui puisse se passer sur le marché, le bitcoin va détenir une rareté intrinsèque lié à son algorithme initial. 

Ainsi, même si leur cours connaît de fortes variations, les cryptomonnaies conservent une valeur intrinsèque, garanties par leur algorithme. Elles sont donc immunisées contre l’inflation. De ce fait, contrairement à la monnaie fiduciaire (euro, dollar, fcfa,…) le bitcoin ne peut pas être produit de façon arbitraire. Il échappe donc aux risques d’inflation. C’est la raison pour laquelle la monnaie virtuelle peut être utilisée pour minimiser les effets de l’hyperinflation des devises locales en Afrique. Cette possibilité d’utiliser les cryptomonnaies en cas d’inflation n’est d’ailleurs plus une simple théorie. Des pays tels que le Nigéria ou encore le Soudan du Sud ont eu recours au bitcoin comme monnaie alternative, après avoir connu une forte inflation de leurs monnaies nationales. 

  • La cryptomonnaie va permettre de réduire considérablement le coût des transferts internationaux vers l’Afrique

Pour les africains de la diaspora qui envoient de l’argent à leurs proches sur le continent africain, les frais de transaction constituent un coût important à supporter. En utilisant des monnaies cryptographiques, ces frais n’auraient plus lieu d’être. Pour rappel, la crypto-monnaie n’appartient pas à une personne ou à un pays en particulier. Elle n’est pas non plus réglementée par une banque centrale ou par une administration unique. Les transactions en crypto-monnaie sont donc quasi gratuites. 

Pour ce qui est du bitcoin par exemple, en fonction du taux de change, que ce soit pour un transfert de 50 euros ou pour 50 millions d’euros, il n’y a pas de frais proportionnels aux montants comme avec les banques ou les services de transfert d’argent classiques tels que Western Union, moneygram, Ria, etc. Cette absence de coût important constitue un avantage pour les particuliers qui font des transferts d’argent mais aussi pour les entreprises. 

  • La cryptomonnaie : un outil pouvant favoriser une meilleure inclusion financière en Afrique

Le système bancaire reste encore assez complexe en Afrique. Pour ouvrir un simple compte bancaire, les clients sont appelés à présenter une multitude de documents. De même, les entreprises qui sollicitent un crédit sont appelées à présenter des garanties et cautions solides. Beaucoup moins exigeante, la cryptomonnaie va permettre aux africains d’avoir accès à un compte (une adresse de portefeuille) et d’effectuer des transactions partout dans le monde. N’importe qui pourra accéder à un compte pour effectuer ces transactions en crypto-monnaie. De même, les entreprises et startups qui n’arrivent pas à se faire financer par les banques traditionnelles, faute de pouvoir présenter des garanties solides, pourront se tourner vers les prêts en crypto actifs, largement plus accessibles. L’objectif recherché ici est de favoriser l’accès à un système financier plus inclusif qui permettra aux personnes, quelle que soit la couche sociale à laquelle elles appartiennent, de consommer et d’investir.

Comment se présente le marché actuel des crypto-monnaies en Afrique ?

Comparé aux marchés européens ou américains, l’Afrique ne constitue pour le moment qu’un très petit marché en matière de cryptomonnaie. Toutefois, les cryptos se développent petit à petit sur le continent, malgré le scepticisme et les réglementations strictes dans certains États. Dans la grande majorité des pays de l’Afrique de l’ouest francophone, il n’existe pas encore de données pouvant permettre de déterminer la situation actuelle sur le secteur cryptomonnaie. 

Selon le BitcoinAfrica.io, les cinq premiers pays africains dans lesquels les populations ont majoritairement adopté le Bitcoin sont l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Zimbabwe, le Kenya et le Ghana. De son côté, l’assemblée nationale centrafricaine a voté en avril 2022, à l’unanimité pour l’adoption du bitcoin comme monnaie légale dans le pays. Aussi, dans les pays tels que le Soudan du Sud, le Malawi, le Nigéria, la Zambie ou encore le Zimbabwe, où le taux d’inflation a déjà atteint 2 chiffres plus d’une fois, on constate également une forte utilisation des crypto-monnaies d’après l’association Do4 Africa. En effet, dans ces pays, lorsque les monnaies locales sont affectées par l’hyperinflation, les populations préfèrent payer et acheter en bitcoins. 

Cryptomonnaie en Afrique

Par ailleurs, il faut noter que le Nigéria possède l’un des marchés de Bitcoin peer to peer les plus dynamiques du monde. Toutefois, le pays interdit la crypto-monnaie et met en garde ses citoyens contre le manque de couverture légale associé à ce type de monnaie. En février 2021, la Banque Centrale du Nigeria (CBN) avait même ordonné aux banques de clôturer les comptes des utilisateurs, qui effectuent des transactions en crypto-monnaies. 

On constate ainsi que le développement des cryptos sur les marchés africains est confronté à la réticence des gouvernements et institutions bancaires centrales, à l’absence d’un cadre légal et aux potentielles difficultés que pourraient rencontrer les utilisateurs qui voudraient échanger de la cryptomonnaie contre les monnaies nationales

La cryptomonnaie : uniquement des avantages pour l’Afrique ?

Certainement pas ! A l’heure actuelle, la non réglementation de la crypto-monnaie et le fait que les transactions soient anonymes et intraçables, font que cette monnaie est devenue un canal facile de blanchiment d’argent. En 2011, le ministère de la justice des États-Unis a révélé que le le Bitcoin était devenu la monnaie de prédilection des trafiquants de drogue. Pis, les crypto-monnaies sont utilisées pour financer des achats d’armes légères, à dissimuler des activités criminelles, etc. Ce qui peut constituer un gros risque à courir pour un continent déjà en proie au terrorisme

Par ailleurs, les crashs réguliers des crypto-monnaies en font un mécanisme risqué et instable pour l’Afrique. C’est le cas par exemple du bitcoin qui est en chute libre depuis quelques années maintenant. Rien qu’au début du mois de mai 2022, le bitcoin qui valait environ 60 000 dollars fin 2021 a chuté jusqu’à 30000 dollars. Il en est de même pour l’ensemble des crypto-monnaies dont la capitalisation totale a été divisée par deux sur la même période. 

Si la monnaie dématérialisée peut apporter d’importants bénéfices par moment, sa valeur peut aussi chuter soudainement et constituer une énorme perte pour les investisseurs. Certains économistes comparent d’ailleurs le Bitcoin et les autres crypto-monnaies à un système de Ponzi. A ce propos, le journal Le Sunday Times d’Afrique du Sud, a fait savoir qu’en mars 2018, plus de 30 000 sud-africains ont perdu environ 50 millions de dollars, après avoir été incités à transférer leurs Bitcoins vers un portefeuille en ligne. Une opportunité qui s’est révélée être une grosse arnaque. 

Si les crypto-monnaies peuvent être une opportunité pour l’Afrique en raison de leurs avantages intéressants, il faut aussi garder à l’esprit les côtés négatifs que cela implique. C’est la raison pour laquelle on pense que la crypto-monnaie constitue une arme à double tranchant pour le continent africain et devrait donc être employée avec soin.

 

Sources : 

https://www.do4africa.org/adoption-de-la-crypto-monnaie-en-afrique/ 

https://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/avril-2018-juillet-2018/la-cryptomonnaie-pourrait-conquérir-l’afrique 

https://www.bbc.com/afrique/region-55988771 

https://www.theafricaceoforum.com/fr/ressources/cryptomonnaies-la-cible-cest-lafrique/ 

https://www.contrepoints.org/2019/02/15/337200-afrique-les-crypto-monnaies-socle-du-developpement 

https://www.bbc.com/news/world-africa-61248809 

https://cryptoast.fr/bitcoin-lutte-inflation/ 

https://www.reuters.com/world/africa/bitcoins-african-outpost-raises-several-red-flags-2022-05-03/ 

 


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