Pourquoi les jeunes entrepreneurs africains devraient-ils s’inspirer de Cheikh Anta Diop ?

Scientifique et humaniste sénégalais disparu en 1986, Cheikh Anta Diop a dédié son existence à la mise en valeur de l’Afrique. Notamment à travers ses travaux sur l’Egypte antique. Ses études sont la résultante d’une volonté de libérer du joug de la domination occidentale, la véritable histoire des civilisations africaines. Il a par ailleurs fortement influencé les mouvements d’indépendance en Afrique ainsi que le concept de panafricanisme. 

Considéré comme un des penseurs les plus influents du XXe siècle, Cheikh Anta Diop a laissé à l’Afrique le plus bel héritage qu’il soit : la maîtrise de sa vraie histoire et la connaissance de ses origines. Malgré les nombreuses polémiques autour des ses thèses et ouvrages, l’historien, même après sa mort, continue d’influencer la recherche en histoire africaine ainsi que la pensée culturelle du continent. Il appartient désormais à la génération des plus grandes figures historiques du continent africain et même du monde. On note également un réel engouement autour de la pensée de Cheikh Anta Diop chez les jeunes africains. 

En dehors de ses travaux notables et de ses œuvres remarquables, nous avons noté chez l’illustre historien, un certain nombre de valeurs et qualités que les entrepreneurs devraient copier et mettre au service du développement de leur business. Pourquoi les jeunes entrepreneurs africains devraient-ils s’inspirer de Cheikh Anta Diop ? Pour répondre à cette question, retour sur le parcours d’un homme qui a fait trembler le monde de la culture et de l’histoire. 

I- Courte biographie de Cheikh Anta Diop

Cheikh Anta Diop fait partie des savants africains de l’époque de la Seconde Guerre mondiale. Il est né le 29 décembre 1923 à Thieytou, une localité située au centre-ouest du Sénégal et disparu le 7 février 1980 à Dakar. A la fois scientifique, historien, anthropologue, chimiste et homme politique, Cheikh Anta Diop s’est surtout fait remarquer grâce à ses travaux sur l’Afrique. Il est considéré comme un des plus grands combattants pour la dignité africaine. 

Dès son jeune âge, sa curiosité intellectuelle particulière le pousse à mettre en place un alphabet africain. A 22 ans, il est titulaire de deux baccalauréats dont un en mathématiques et un autre en philosophie. Il part ensuite pour Paris, dans l’optique d’étudier la physique chimie mais découvre un intérêt poussé pour l’histoire et les sciences sociales. Il a suivi les cours du philosophe français Gaston Bachelard et de Frédéric Joliot-Curie, un physicien et chimiste, qui a obtenu le prix Nobel de chimie en 1935. 

Durant sa formation, il a rapidement développé face à ses enseignants, des opinions qui s’opposaient aux théories existantes, notamment en ce qui concerne l’histoire des peuples africains. Convaincu que les africains ne sont pas des peuples sans passé, CAD va mettre à profit ses casquettes de scientifique, d’anthropologue et d’historien, pour tenir tête aux savants qui soutenaient le contraire. 

Décédé à Dakar le 7 février 1986, dans son sommeil, Cheikh Anta Diop a été inhumé dans sa région natale à  Thieytou. Il était marié à feue Louise-Maes Diop, disparue en 2016 et avec laquelle il a eu 4 fils. Depuis 1987, l’Université de Dakar porte son nom. 

II- Cheikh Anta Diop : un des plus grands théoriciens de l’histoire de l’Afrique

Dès le début de ses études, il a mené des recherches qui lui ont permis de réfuter l’idée que soutenait certains auteurs de son époque et d’avant. Ces théories consistaient à penser que les peuples africains n’avaient pas d’histoire. Cette réflexion, dont les principaux auteurs sont Lévy-Bruhl ou encore Hegel étaient très ancrées dans le monde scientifique. Décidé à prouver le contraire, Cheikh Anta Diop en a fait son sujet de thèse de doctorat. Il affirmait à travers ladite thèse que l’Egypte antique était peuplée d’africains noirs et que la langue et la culture de l’Egypte d’antan se sont ensuite diffusées en Afrique de l’ouest. 

Pour étayer sa thèse, il s’est entre autres appuyé sur les écrits d’auteurs tels que Hérodote et Strabon. Il soutient d’ailleurs que pendant longtemps, l’histoire des civilisations africaines a été falsifiée et que l’apport de l’Afrique à l’évolution de l’humanité a toujours été dénié. 

Dans sa thèse de doctorat, Cheikh Anta Diop va affirmer que :

“Le Nègre ignore que ses ancêtres, qui se sont adaptés aux conditions matérielles de la vallée du Nil, sont les plus anciens guides de l’humanité dans la voie de la civilisation ; que ce sont eux qui ont crée les Arts, la religion (en particulier le monothéisme), la littérature, les premiers systèmes philosophiques, l’écriture, les sciences exactes (physique, mathématiques, mécanique, astronomie, calendrier…), la médecine, l’architecture, l’agriculture, etc. à une époque où le reste de la Terre (Asie, Europe : Grèce, Rome…) était plongé dans la barbarie.”

Selon C.A. Diop, la civilisation égyptienne est une civilisation « nègre » et constitue le berceau même des cultures africaines subsahariennes. Pour justifier sa théorie, il fait référence à des analogies entre les cultures africaines subsahariennes et celles de l’ancienne Égypte. Il montre ainsi  sur la base de la couleur de peau, de la religion, de la proximité linguistique, et sur bien d’autres points, que les populations africaines subsahariennes ont comme ancêtres directs les anciens Égyptiens, dont une partie a migré vers l’Afrique de l’Ouest. Selon l’historien, les populations de l’Egypte antique ont donc les mêmes traits physiques que les noirs de nos jours : cheveux frisés, teint noir….

 Sur le plan linguistique, Cheikh Anta Diop considérait le wolof, parlé en Afrique de l’ouest, comme une langue phonétique apparentée à la langue égyptienne antique. 

En prenant le contre pied de toutes les théories établies jusque-là sur l’Afrique, Cheikh Anta Diop bouleversait l’ordre culturel et historique préétabli. Les réactions ne se font pas attendre. La présentation de sa thèse de doctorat va lui être refusée dans un premier temps, faute de trouver un jury devant lequel soutenir ses réflexions. Courageux et convaincu de la justesse de ses affirmations, Cheikh Anta Diop ne va pas attendre de trouver un jury pour révéler les résultats de ses travaux scientifiques. 

Sa thèse sera publiée sous la forme de l‘ouvrage Nations nègres et cultures et il obtiendra son doctorat en 1960. Malgré les controverses qui ont suivi  la publication du livre, de nombreux éminents chercheurs se sont ralliés à la cause de CAD. Dans son ouvrage Discours sur le colonialisme, Aimé Césaire affirme que “… Nations nègres et Culture est le livre le plus audacieux qu’un Nègre ait jusqu’ici écrit et qui comptera à n’en pas douter dans le réveil de l’Afrique.” Encore aujourd’hui, cet ouvrage culte de Cheikh Anta Diop éclaire de nombreux africains et fait partie des principales armes de lutte pour l’émancipation intellectuelle du continent africain. 

Après son doctorat obtenu avec la mention honorable, Cheikh Anta Diop est retourné dans son pays natal le Sénégal, où il a enseigné à l’Université de Dakar (actuelle Université Cheikh Anta Diop). Avant sa mort en 1986, Cheikh Anta Diop a rassemblé dans un ouvrage intitulé Civilisation ou barbarie, anthropologie sans complaisance, les résultats de ses travaux. Il y aborde notamment la question de sa théorie historiographique. C’est aussi dans cet ouvrage qu’il a répondu à de nombreuses critiques sur ses œuvres et théories.  

L’éminent historien sénégalais ne s’est pas contenté de remonter l’histoire. Outre ses efforts pour prouver au monde que les peuples noirs d’Afrique, à travers la civilisation égyptienne antique, ont joué un rôle phare dans la constitution du patrimoine de l’humanité, il aussi œuvré pour l’indépendance économique de l’Afrique après les indépendances. En effet en 1974, il a procédé à l’inventaire des richesses naturelles et humaines du continent (énergie solaire, hydroélectricité, mines, etc.). Il a également élaboré des projets pour développer l’enseignement en Afrique et lutter contre la sécheresse. 

III- L’auteur africain qui a exercé le plus d’influence sur le xxe siècle

En 1959, les participants au second congrès des écrivains et artistes noirs, ont décidé de reconnaître la validité des théories de l’historien Cheikh Anta Diop. Ils ont d’ailleurs souhaité que ces travaux de recherche marquent le début d’autres études sur l’histoire africaine. Les réflexions et analyses de Cheikh Anta Diop ont par ailleurs été soutenues par certains intellectuels français et américains dont Woodon, Carter et G. Gurvitch. 

En 1966, les recherches novatrices de Cheikh Anta Diop, notamment sur l’histoire des civilisations africaines, lui ont valu d’être désigné comme l’intellectuel noir qui a exercé la plus grande influence sur le XXe siècle. Il a également fortement influencé l’opinion de la jeunesse noire par rapport à la situation de l’Afrique ainsi que la création de mouvements tels que le panafricanisme ainsi que l’africanisme. Il fait partie des panafricains des premières générations. Aux côtés de l’historien congolais Théophile Obenga et du philosophe et historien afro-américain Asante Kete Molefe, Cheikh Anta Diop est considéré comme un des pères de l’afrocentricité. 

IV-Cheikh Anta Diop : Un homme politique engagé

Le combat du professeur Cheikh Anta Diop pour l’Afrique ne s’est pas uniquement limité au plan culturel. Ses travaux ont également touché la géostratégie et la politique. Dans les années 1950, Cheikh Anta a été un des principaux animateurs de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF). Un mouvement qui a lancé pour la première fois, en direction de l’Afrique, le mot d’ordre d‘indépendance immédiate. Il a surtout lutté pour l’indépendance du Sénégal et a contribué à la politisation de certains intellectuels africains en France. Il fut aussi un des plus grands défenseurs de la démocratie au Sénégal. 

Opposant de Senghor, Cheikh Anta Diop créa en 1961 le Bloc des Masses, un parti d’opposition pour contrer la politique de l’ex-président Léopold Sédar Senghor. Son engagement politique lui a d’ailleurs valu un mois d’emprisonnement. Plus tard, du fait de sa popularité, Senghor lui a proposé des postes ministériels qu’il a déclinés.  

V- Un personnage téméraire et persévérant qui devrait inspirer tout entrepreneur 

Plus de 30 ans après sa disparition, l’influence de Cheikh Anta Diop est toujours présente. Il a contribué à la restauration de la conscience des intellectuels noirs et des jeunes de son époque sur l’histoire de l’Afrique. Son travail continue aussi à faire écho auprès de la jeunesse contemporaine et constitue un remède contre l’aliénation culturelle. 

S’il est toujours et surtout cité en exemple en raison de ses thèses novatrices et de son engagement culturel et politique, Cheikh Anta Diop présente également toutes les qualités d’un entrepreneur hors pair. Pourquoi les jeunes entrepreneurs africains devraient-ils s’inspirer pour réussir. 

• Parce qu’il était un homme innovant.

Pour sa thèse, Cheikh Anta Diop a osé choisir un sujet innovant, audacieux, qui nécessitait des recherches et réflexions poussées. Il ne s’est pas contenté d’un sujet banal qui n’aurait pas suscité autant de controverses et d’efforts intellectuels. On retrouve alors chez lui une compétence que l’on compte chez les plus grands entrepreneurs à succès : la capacité à innover et à bouleverser les codes. Comme Cheikh Anta Diop, les entrepreneurs africains doivent pouvoir pousser loin leurs réflexions et proposer des solutions innovantes. Ils doivent avoir pour ambition de révolutionner positivement leur secteur, tout comme CAD l’a fait dans le monde de la culture.  

• Il était courageux et persévérant

Cheikh Anta Diop a eu le courage d’assumer ses théories et d’y croire sans jamais se laisser démonter par les critiques. Il a su se battre contre les difficultés et a trouvé des solutions alternatives pour publier ses travaux, malgré qu’aucun jury n’ait pu être formé pour lui permettre de faire sa soutenance, en raison du caractère controversé de sa thèse de doctorat. Sa persévérance l’a conduit 20 ans après la publication de Nations nègres et culture, au colloque international du Caire, organisé sous l’égide de l’Unesco en 1974, où ses thèses seront consacrées. Les jeunes entrepreneurs africains ont tout intérêt à s’inspirer du courage et de l’abnégation de l’illustre historien. 

• Cheikh Anta Diop était téméraire et audacieux

Malgré le conflit politique qui l’opposait à Léopold Sédar Senghor, et qui lui interdisait d’enseigner à l’Université de Dakar, il avait quand même continué ses recherches dans son laboratoire, au sein de l’Institut Fondamental de l’Afrique Noire (IFAN) en 1961. Il a fait preuve d’audace pour parvenir à ses fins. Cela constitue aussi une qualité dont les entrepreneurs devraient se doter pour parvenir à leurs fins.

• C’était un homme aux multiples casquettes

Cheikh Anta Diop portait plusieurs casquettes : il était à la fois égyptologue, anthropologue, historien, scientifique et linguiste. En cela, il donne également l’exemple aux entrepreneurs. En effet, il est parfois essentiel d’être multi-casquettes pour gérer son activité d’entrepreneur. Il faut parvenir à jongler, à faire preuve de créativité et de flexibilité pour développer son business. Cheikh Anta Diop mettait aussi ses connaissances en Chimie au profit de ses travaux d’histoire. La leçon à en tirer lorsque l’on est entrepreneur, c’est qu’il faut savoir utiliser ses compétences pour en développer de nouvelles et pour se réinventer.

• Pour Cheikh Anta Diop, la formation est non négociable

Cheikh Anta Diop affirmait : “A formation égale, la vérité triomphe. Formez-vous, armez-vous de sciences jusqu’aux dents et arrachez votre patrimoine culturel”. Cette exhortation est également valable dans le monde entrepreneurial. La formation permet de faire évoluer son entreprise plus facilement et plus rapidement. Elle est donc cruciale pour connaître le succès dans le domaine de l’entrepreneuriat. 

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