Depuis près de 10 millénaires, la terre constitue un des matériaux de construction les plus utilisés dans les différentes civilisations du monde. Selon des informations recueillies auprès de CRATerre, 50 % des habitations dans les régions rurales sont construites en terre. La même source fait constater que parmi les habitats contemporains en ville, on compte 20 % de constructions en terre. De même, d’autres études estiment que sur la planète, 30 % des constructions sont faites de terre. Pourtant, dans les grandes villes africaines, c’est plutôt le béton qui est utilisé en grande partie dans le cadre des constructions. À celui-ci, s’ajoutent la tôlerie et la verrerie. Des matériaux de construction accusés d’augmenter la rétention de chaleur à l’intérieur des bâtiments construits et de favoriser l’émission de gaz à effet de serre. L’usage de ces matériaux provoque un inconfort thermique à l’intérieur des bâtisses. L’institut de réflexion Chatham House affirme d’ailleurs que plus de 8 % des émissions des gaz à effet de serre sont imputables à l’industrie du ciment. Aussi, l’utilisation du béton nécessite d’importants prélèvements de sable marin qui à la longue provoque l’érosion côtière. On ne s’étonne donc pas de constater que, de plus en plus d’architectes militent en faveur de l’usage de matériaux de construction naturels tels que la terre. Ancien matériau de construction relégué au second plan au profit du béton, la terre fait son grand retour sur le devant de la scène du paysage architectural africain. Elle a subi des améliorations apportées par les résultats de nombreuses études et recherches. Elle peut désormais être utilisée cuite ou stabilisée et servir ainsi de matière première pour la fabrication de briques. Focus sur la construction en brique en terre cuite en Afrique.
La construction en terre cuite dans l’antiquité en Afrique
Autrefois, les hommes se servaient des matériaux naturels qui se trouvaient autour d’eux pour construire leur habitat. Ils utilisaient essentiellement du bois, de la paille ou encore des arbres. Ils faisaient également usage de pierres ainsi que du sable et de la terre. Encore aujourd’hui, les régions qui s’étendent au nord de la méditerranée ainsi que l’Algérie, abritent un patrimoine architectural qui témoigne de l’usage de la terre en Afrique dans les temps anciens. À l’avènement de la colonisation, les chercheurs ont pu mettre en lumière certains documents de génie civil.
Les informations retrouvées font mention de l’utilisation d’autres matériaux naturels en dehors de la pierre et la brique dans l’architecture civile. Du pisé ainsi que de l’adobe faisaient de même partie des matériaux utilisés par les architectes. Des édifices érigés en terre depuis le moyen-âge tiennent encore debout et prouvent à suffisance l’importance qui était accordée à ce matériau en Afrique.
Les Aurès, un massif situé au nord de l’Algérie, abritent des forteresses dont les murs ont été bâtis avec de la terre.
Briques en terre crue, terre cuite ou terre compressée : quelles sont les différences ?
La brique en terre crue est obtenue par mélange de la terre, de l’argile avec de la paille ou du fumier de bétail. Le tout est séché au soleil. Ce type de brique convient pour des constructions en zones chaudes et sèches. Ce procédé de fabrication est cependant inapproprié pour les régions humides. L’eau a tendance à provoquer la désintégration des briques faites en terre crue. Celle-ci présente plus de vulnérabilité que celle cuite. Pour parer à cette faiblesse, elle peut être recouverte d’enduit. Mais cette option vient ajouter une contrainte d’entretien.
Par ailleurs, le procédé de la terre crue ne nécessite pas l’utilisation massive de bois comme c’est le cas pour la préparation de la terre cuite. La technique de la terre crue est donc plus écoresponsable que celle de la terre cuite. Sa production ne nécessite que 3 % de l’énergie déployée pour produire du ciment.

La brique en terre cuite est également faite à partir de l’argile et de la terre. Mais à la différence de la brique en terre crue, elle est chauffée au four à une température élevée après le mélange et le moulage. La fabrication de briques en terre cuite requiert l’utilisation de bois de chauffage. Ce qui affecte l’environnement.
La brique en terre cuite à l’opposé de celle crue ne nécessite pas de revêtement d’enduit pour son entretien .
Une troisième forme de brique en terre existe et est dénommée brique en terre compressée ou stabilisée. Elle se démarque de la terre cuite par l’absence d’utilisation de four et de bois de cuisson. Ce qui lui confère un avantage écologique considérable. Cependant, la fabrication des briques en terre comprimée requiert l’utilisation du ciment, mais en de faibles proportions. Une machine est utilisée pour effectuer la compression du mélange.
La brique en terre cuite dans le secteur de la construction en Afrique : de nos jours
De façon globale, en Afrique le faible pouvoir d’achat de la grande partie de la population ne leur permet pas de s’offrir des constructions en terre cuite. Même dans les zones rurales, la population préfère construire leur habitat en ciment recouvert de toiture en feuille de tôle. Dans les villes africaines, il n’est pas rare de constater la préférence des citadins pour les constructions en béton et parpaings.
Cependant, au Mali, les moquées de Gao, Tombouctou et Djenné sont des édifices impressionnants et de grande renommée. Pourtant, elles ont été construites en terre. Les greniers de Toyloy construits entre le 2e et le 3e siècle peuvent rivaliser d’élégance architecturale avec de célèbres monuments européens et asiatiques.
C’est donc à juste titre que dans le patrimoine de l’UNESCO, on retrouve des constructions en terre.
Du reste, en Égypte une technique était mise en œuvre par certains architectes. Elle permet de remplacer les gaufrages par des toitures en forme de voûte. Elles sont fabriquées avec des matériaux locaux et ne requièrent pas de grandes compétences techniques. De même, l’outillage nécessaire est facile à prendre en main.

Depuis 1998, une association ayant à sa tête un Français et un Burkinabè œuvre pour la promotion de la technique de la voûte nubienne. Dans ce sens, en Afrique de l’Ouest au bout d’une vingtaine d’années, cette structure a construit près de 4 000 édifices et habitats avec cette technologie. Entre 2019 et 2 020 700 constructions ont été réalisées. Au rang de celles-ci on peut dénombrer des habitats personnels, des lieux de culte, des écoles, etc.
Le procédé architectural de la voûte nubienne ne nécessite pas l’usage du bois ni l’emploi du fer , encore moins du ciment ou des feuilles de tôle. La quasi-totalité des constructions se fait avec des briques en terre. Même les pierres qui servent aux fondations sont récupérées sur place sur les chantiers. Les murs sont assez épais afin de bien soutenir la toiture. Les ouvertures sont quant à elles étroites à dessein pour qu’au final l’intérieur conserve un confort thermique. Lorsque la technique est bien maîtrisée et appliquée, on peut continuer la construction vers le haut avec un étage.
Quels sont les avantages de la construction en terre cuite ?
La terre cuite est un matériau d’une longue durée de vie. Elle est très résistante aux aléas climatiques. En plus, elle est très écologique et offre une excellente isolation thermique et phonique aux habitats.
La terre cuite : un matériau durable
La terre cuite est un matériau à très longue durée de vie. Un édifice construit avec des briques en terre cuite peut demeurer intact même après un siècle. Aujourd’hui certaines constructions en terre cuite qui datent de l’Antiquité ne sont pas encore tombées en ruine. Les bâtisses érigées en terre cuite depuis des lustres tiennent encore bien debout en raison de la robustesse et de la résilience de ce matériau.

La terre cuite : un matériau résilient et bon isolant phonique
La terre en Afrique est un matériau qui naturellement dispose de l’argile. Les sols sur le continent sont d’ordinaire latéritiques et ferrugineux. Ils contiennent du titane, de l’oxyde de fer, du manganèse. La terre prélevée à partir des sols en Afrique contient donc des substances argileuses à l’instar de l’illite et de la kaolinite. La coloration rouge brun de la terre utilisée pour la fabrication des briques provient de la présence de l’oxyde de fer et de l’aluminium.
Aux yeux de certains experts de construction de bâtiments, la terre est un matériau facile à découper. De même, après mélange avec de l’eau, elle se solidifie très bien au contact de l’air et offre une résilience remarquable contre les intempéries.
En outre, lorsqu’elle est mélangée avec d’autres matières naturelles telles que la paille, le fumier de bétail ou le beurre de karité, elle offre une résilience sans pareille.
Les briques en terre cuite apportent également à l’habitat une excellente isolation phonique
Le matériau terre cuite pour un confort thermique et une bonne régulation de l’humidité
L’utilisation de briques en terre cuite permet de garantir un confort thermique à l’intérieur de l’habitat, quelles qu’en soient les saisons. La température habituelle à l’intérieur des constructions en terre cuite n’est ni trop chaude ni trop fraîche. Un atout donc qui permet de bénéficier d’une stabilité thermique à l’intérieur aussi bien en été qu’en hiver.
L’utilisation de la terre permet de réguler l’humidité des constructions. La terre a la propriété d’absorber le trop-plein d’humidité et de restituer cet excès quand il commence par faire un peu chaud. Dans les régions du Sahel par exemple, cette propriété a toute son utilité. Dans ces zones les écarts de température sont très élevés entre le jour et la nuit. La chaleur de la journée est stockée et diffusée la nuit pendant que la fraîcheur est absorbée et relâchée le jour.

La terre : un matériau recyclable et inépuisable
Les briques conçues avec la terre cuite ou crue peuvent être recyclées quand bien même elles finissent par se dégrader. Elles redeviennent des sédiments et de la poussière et finalement se transforment en terre. Celle-ci peut à nouveau être mélangée avec de l’argile et de l’eau pour permettre la production de nouvelles briques.
La terre à l’opposé des autres matériaux est inépuisable et à portée. Son exploitation ne fait courir donc aucun risque de sa pénurie dans l’avenir.
La production de briques en terre : potentielle source de création d’emplois
La production de briques cuites est un processus qui nécessite de la main-d’œuvre. Autour de cette production de matériaux à partir de ressources naturelles, des emplois peuvent être générés. C’est dans cette logique que s’inscrivent certains entrepreneurs africains. C’est l’exemple dans quelques pays africains des startups telles que Magic Construction au Cameroun, Worofila et Elementerre au Sénégal. Ces entreprises œuvrent pour la promotion des constructions en terre. La fabrication ne nécessite pas des compétences particulières outre mesure. Cet atout épargne de la contrainte de qualification de main-d’œuvre.
Quels sont les entrepreneurs qui font la promotion du matériau terre cuite en Afrique et dans le monde ?
Un peu partout sur le continent africain et en Europe, des initiatives naissent en faveur de la promotion des constructions en terre.
Worofila
Worofila est un regroupement d’entrepreneurs, d’architectes, d’ingénieurs qui exercent dans la production de brique en terre cuite au Sénégal. L’un des objectifs fondamentaux de ce creuset est l’édification dans ce pays davantage d’habitats écologiques.
Worofila travaille en priorité en collaboration avec Elementerre, une entreprise spécialisée dans la construction avec des matériaux naturels locaux en l’occurrence la terre. Les deux structures ont collaboré sur des projets de construction d’une partie des gares du TER Dakar-AIBD.
Elementerre
Elementerre a été créée en 2010 par l’architecte Doudou Deme qui a pour cheval de bataille la promotion de l’utilisation de la terre comme matériau de construction. Elementerre est sollicité pour la construction de plusieurs habitats en briques de terre au Sénégal.
Magic Construction
En Afrique centrale et plus particulièrement au Cameroun, a été implantée Magic Construction. Elle est une entreprise qui produit des briques en terre compressée BTC. Le Cameroun est un pays au climat très chaud. La température peut parfois atteindre 50 degrés Celsius. C’est face à ce constat que Magic Construction s’est lancée dans la fabrication de briques en terre. Le matériau terre a été privilégié par cette unité de production, car il a une grande capacité d’absorption de la chaleur. Magic Construction s’évertue à déconstruire les stéréotypes de matériau désuet et de misère qui sont attribués au matériau terre.
Nature Brique
Au Bénin, Nature BRIQUE est la première entreprise de fabrication de brique en terre cuite implantée dans le centre du pays depuis 2010. Pour la conception de ces briques, cette entreprise se sert de l’argile extrudée sous vide qui est par la suite mise au four. Les briques produites par NATURE BRIQUE sont très légères et ne font que le 1/3 du poids des parpaings. Autrement dit, un édifice construit avec des briques en terre cuite de cette entreprise a un poids nettement inférieur à une construction en parpaings ou en béton.
La voûte nubienne
La Voûte nubienne est une association qui œuvre également pour les constructions durables dans le Sahel africain. Cette association tient son nom d’une technique architecturale ancestrale qui consiste à utiliser de la terre pour construire la toiture des maisons.
CRAterre
En dehors de l’Afrique, des initiatives en faveur de l’utilisation de la terre comme matériau de reconstruction fleurissent sur d’autres continents. C’est l‘exemple de CRAterre basé à Grenoble en France. CRAterre s’est fixé comme cheval de bataille depuis 1979, la promotion de l’usage de la terre comme matériau de construction. Par l’option du matériau terre, CRAterre estime que les défis liés aux problèmes environnementaux pourront diminuer un tant soit peu. Cette organisation vise donc l’amélioration des conditions de vie des communautés par l’utilisation des ressources locales naturelles.
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